Selon une étude récente, près de la moitié (48 %) des employés de bureau déclarent ne pas se sentir à l’aise d’admettre à son manager qu’il utilise l’IA pour accomplir certaines tâches courantes.
L’IA agentique, à la différence des technologies d’IA antérieures, dites “d’assistance” , représente une avancée majeure dans les capacités de l’intelligence artificielle, avec l’ambition de redéfinir notre rapport au travail. Mais elle soulève aussi des défis spécifiques : les entreprises doivent repenser leur manière d’adopter la technologie, de former leurs collaborateurs, voire d’organiser leur structure interne.
L’intégration d’agents IA proactifs – des logiciels capables de fonctionner en arrière-plan sans supervision constante – ne se limite pas à un simple déploiement technologique. Pour créer un environnement de collaboration fluide entre employés et agents, les organisations doivent véritablement les intégrer à leur culture, en expliquer clairement les bénéfices, et préparer les salariés à collaborer efficacement avec eux.
Favoriser une culture de l’expérimentation
L’acceptation généralisée de l’IA agentique, comme l’exploitation de son plein potentiel, repose sur une culture qui valorise l’expérimentation.
Chez Salesforce, cette dynamique a été initiée par Marc Benioff, président et CEO. Lors de Dreamforce 2024, il a annoncé que l’entreprise entendait jouer un rôle moteur dans l’essor de l’IA agentique, en posant les bases d’une culture où humains et agents numériques apprennent à collaborer. Le message adressé aux équipes était clair : elles sont invitées à s’approprier la démarche, à explorer, à tester. La plateforme Agentforce, qui incarne cette vision du “travail numérique”, a ainsi été déployée à grande vitesse sur le portail d’assistance de l’entreprise, help.salesforce.com.
« Les premiers résultats de notre initiative Customer Zero autour d’Agentforce sont très prometteurs », observe Marc Benioff.
« Notre force de travail numérique traite des dizaines de milliers de demandes client, ce qui permet à nos équipes humaines de se concentrer sur les situations les plus complexes et sur la qualité de la relation. »
Salesforce mène ce déploiement à grande échelle en commençant par ses propres équipes.
« Pour que les collaborateurs s’approprient l’IA agentique au quotidien, l’impulsion doit venir à la fois d’en haut et du terrain », explique Irina Gutman, Vice-Présidente en charge de la pratique mondiale IA – Services professionnels chez Salesforce.
« Il est aussi essentiel d’identifier des relais internes du changement, ceux qui portent la démarche de l’intérieur », poursuit-elle. « Au-delà des directives managériales, ce sont souvent les collègues de confiance, ceux dont la voix compte au quotidien, qui jouent un rôle décisif. Lorsqu’un pair recommande une solution avec enthousiasme, l’impact est bien plus fort qu’un simple message institutionnel.»
Communiquer clairement sur la valeur de l’IA agentique
L’appropriation de ces nouveaux outils suppose un discours clair, sans ambiguïté, sur ce que les agents IA changent — et ce qu’ils apportent.
Gutman recommande de mettre en avant les aspects positifs de l’automatisation. Dans un contexte de service client, par exemple, de nombreux agents traitent en boucle les mêmes questions simples, qui représentent une part importante des demandes. Automatiser ces flux peut améliorer leur satisfaction au travail.
« Personne n’a envie de répondre vingt fois par jour à la même question. Ce n’est ni stimulant ni valorisant – c’est du bruit », ajoute-t-elle.
Bernard Slowey, SVP Digital Customer Success chez Salesforce, qui a supervisé l’implémentation d’Agentforce, estime essentiel d’associer les équipes dès le départ et de bien leur expliquer la portée du projet et les bénéfices concrets.
« Il faut que les employés comprennent ce qu’ils y gagnent », affirme-t-il.
Pour Prakash Kota, CIO d’Autodesk – qui utilise l’IA agentique pour renforcer ses opérations de support client – la gamification peut être un levier efficace pour susciter l’adhésion.
« La mise en place de mécanismes de jeu et de récompense peut créer une saine émulation entre collaborateurs, chacun ayant envie de voir son nom mis en avant et reconnu pour sa contribution, expliquait-il récemment dans un épisode du podcast CIO Corner de Salesforce.
Il reconnaît qu’il peut y avoir des réticences, mais souligne que son organisation a su les dépasser en mettant en avant les réussites concrètes des agents numériques.
« Au départ, l’IA agentique a suscité des inquiétudes : beaucoup y voyaient avant tout un levier de réduction des coûts. Mais en partageant des indicateurs concrets — comme l’amélioration du taux de résolution dès le premier contact ou la diminution du volume de demandes — les perceptions ont commencé à évoluer »
Combler l’écart de compétences : préparer les équipes à l’IA agentique
À mesure que les agents IA prennent en charge davantage de responsabilités, les rôles humains évoluent, exigeant de nouvelles compétences pour travailler efficacement à leurs côtés. Pour accompagner cette transformation, les entreprises doivent investir dans des programmes de formation et de montée en compétences.
Salesforce a, par exemple, identifié les 10 compétences clés à développer pour réussir dans l’ère de l’IA agentique. En plus des savoir-faire techniques (compréhension des agents, collaboration collaborateur-agent), l’accent est mis sur des aptitudes dites « humaines » : capacité d’adaptation, responsabilité, intelligence émotionnelle, travail en équipe. Les compétences dites « business » telles que la résolution de problèmes, l’analyse de données, la pensée créative ou encore l’art du récit restent également prioritaires.
« On ne peut pas agir sur ce qu’on ne mesure pas. Chez Salesforce, nous visons une montée en compétence d’au moins 80 % des collaborateurs sur ces sujets d’ici fin 2025. Et nous leur fournissons la technologie et les opportunités pour y parvenir. »
— Lori Castillo Martinez, EVP Talent Growth & Development, Salesforce
Mick Costigan, VP de Salesforce Futures, insiste lui aussi sur l’importance de cette transformation :
« Le travail est un lieu de construction de sens. Prendre des décisions complexes, fondées sur les valeurs, porter un jugement subjectif ou évaluer un risque : tout cela contribue à l’identité personnelle et collective. »
En faisant de la formation un pilier stratégique, les entreprises peuvent permettre à leurs collaborateurs de rester pertinents, engagés, et armés pour l’avenir du travail aux côtés de l’IA.
L’avenir du travail sera agentique et profondément humain
L’IA agentique n’est pas simplement une évolution technologique. Elle inaugure une nouvelle ère de collaboration entre l’humain et la machine. Pour réussir cette transition, les entreprises doivent porter autant d’attention aux dimensions humaines qu’aux aspects techniques.
« Les entreprises doivent entamer un travail exigeant mais crucial : réfléchir à la manière de préserver et renforcer leur culture dans un monde où de plus en plus de tâches peuvent être automatisées », conclut Costigan. « Réussir dans l’ère de l’IA nécessitera des dirigeants capables de s’adapter, de rester concentrés sur les relations humaines, et de faire les bons arbitrages pour bâtir des organisations non seulement plus efficaces – mais aussi plus humaines. »
Pour aller plus loin :
– Découvrez l’analyse de la directrice du développement des talents de Salesforce sur les enjeux de compétences et les leviers mobilisés par ses équipes.
– À lire également : comment le travail numérique pourrait transformer en profondeur l’entreprise.