Malgré ses bienfaits évidents, le web est chronophage et disruptif.  Un ancien « Philosophe produit » de Google s’est donc interrogé sur le rapport au temps de l’écosystème digital. Et ses propositions pour mieux passer ce temps préfigurent un web 3.0 recentré sur l’humain et son bien-être.

Un message sur un mobile ou un ordinateur est désormais une scène de la vie quotidienne. Le prix de cette connectivité ? Une tendance à la distraction, voire à la procrastination. Ainsi, une étude du Docteur Gloria Marks de l’Université de Californie prouve qu’une interruption (par exemple un email) au travail entraîne une période de 23 minutes pour se recentrer sur la tache en cours. Sans compter le coup d’œil à une notification sur Facebook qui se transforme en heure de surf.

Une expérience utilisateur et une logique de design « positives »

Tristan Harris, l’ex PDG d’Apture, décrit son brainstorming avec Thich Nhat Hanh, comme un moment clé. Ce moine vietnamien promoteur de la méditation « pleine conscience » était venu échanger avec des exécutifs de Google autour de l’éthique appliquée au design. Et, quand un jeune prodigue des TI rencontre un vénérable moine bouddhiste, ils se découvrent une aspiration commune à l’humanité : la quête de relations et de communications interpersonnelles de grande qualité.

Lors d’un TED talk, Tristan Harris cite le cas du site d’hébergement gratuit participatif Couchsurfing qui mesure la « convivialité nette orchestrée » et immatérielle sous forme de valeur quantifiable à l’image d’un taux de conversion. Cet indice ne garde que le bon temps réel passé entre « couchsurfers » en allant jusqu’à déduire la présence sur le site pour y aboutir.

Des méthodes labélisées « Time Well Spent » ?

En somme, mesurer le « fun », le pertinent, le profond qui méritent notre temps. Loin des grands principes abstraits, le designer-philosophe espère à terme créer un marché digital qui pourrait s‘appliquer aux produits logiciels, et aux médias en ligne. Une sorte de label informatique pas si éloigné du bio ou de l’équitable pour les produits matériels.

Pour citer son manifeste : « nous croyons en la possibilité d’une économie construite pour nous aider à bien passer notre temps, et où les produits sont en compétition pour une contribution positive nette à nos vies ».

Pour atteindre cette fin, Tristan Harris se donne des des moyens qui impliquent consommateurs, designers et poids lourds du secteur. Il invite les bonnes volontés à rejoindre son collectif en gestation,  les usagers à créer une demande « comme pour le bio à Wallmart », et les entrepreneurs à adopter ce paradigme, par le design et le partage de « bigs datas ». Et de rêver à un « serment d’Hippocrate » des développeurs et designers, qui placerait le bien commun et la qualité des échanges au titre de principes directeurs.

Un projet idéaliste, ancré dans la réalité

Le monde des TI est par définition à même de créer des services abstraits et d’en faire un modèle économique au succès colossal. Mais il baigne aussi de par ses origines californiennes dans une culture hédoniste et spiritualisante. Time Well Spent s’efforce d’émuler un Internet 3.0 à forte valeur ajoutée autant monétaire qu’humaine.