Le Chief Digital Officer s’impose dans les entreprises : 27 % des entreprises françaises ont un CDO, selon le baromètre « BCD2O Edition 2016 »*. Mais une nouvelle fonction émerge : le Chief Data Officer. Qui sont ces nouveaux acteurs de la transformation numérique ? Quelle est leur mission ? Regards croisés de Marie Canzano, Présidente et Fondatrice de Digital Jobs – cabinet de recrutement pour l’écosystème numérique – et Samuel Bonamigo, Directeur Général Adjoint de Salesforce France.

La fonction de Chief Digital Officer est récente. Quel est son rôle dans l’entreprise ? 

Marie Canzano (M.C.) : Cette fonction, née en France en 2014, a rapidement bénéficié d’une importante exposition médiatique en raison de sa mission stratégique : orchestrer la transformation numérique de l’entreprise. Dès 2014, Accor, Renault ou L’Oréal se dotent d’un CDO. Aujourd’hui, c’est le cas de 27 % des entreprises françaises, selon le Baromètre BCD2O 2016*. Mais attention aux confusions : un vrai CDO n’est pas un responsable digital lié au marketing ou à la communication. Il siège au COMEX. D'ailleurs, 48% des dirigeants interrogés considèrent qu’il est légitime qu'il y figure. Il a un rôle transverse et identifie tous les leviers de croissance liés au digital, dans tous les métiers de l’entreprise…

Samuel Bonamigo (S.B.) : C’est toute la difficulté de la fonction : sans lien hiérarchique avec les métiers et sans équipe, il doit les entraîner vers de nouveaux modes de travail, une nouvelle organisation, une nouvelle culture d’entreprise. Le CDO est un acteur du changement et de l’amélioration de l’expérience client, à l’échelle de toute l’entreprise. Il ne peut s’imposer qu’avec le soutien indéfectible de la Direction Générale.
À ce titre, les outils de partage peuvent l’aider. Par exemple chez Pernod Ricard, les outils collaboratifs, dont se sont emparés tous les salariés, ont amené de nouvelles manières de travailler entre les marques et les entités.

Le Baromètre BCD2O montre aussi l’émergence du Chief Data Officer. S’ils partagent le même acronyme, Chief Digital et Chief Data Officers sont bien différents ?

M.C. : Tout à fait. Le Chief Data Officer, surtout apparu cette année, est la prochaine révolution : il va s’imposer dans l’entreprise pour y porter une véritable stratégie data, cohérente dans tous les métiers. Il y a encore très peu de Chief Data Officers : seules 18% des entreprises françaises annoncent en avoir un en 2016. Certaines entreprises ont nommé un « responsable data », rattaché à la finance ou au marketing. Mais il ne s’agit pas d’un « Chief » s’il ne siège pas au COMEX.

S.B. : En fait, les Chief Digital et Chief Data Officers sont deux rôles complémentaires, qui doivent étroitement collaborer. Notamment parce que la transformation numérique génère un important volume de données, qu’il faut analyser et valoriser pour apporter de l’intelligence à l’entreprise. Cette évolution, Salesforce l'accompagne d’ailleurs en investissant dans l’intelligence prédictive – afin d’apporter de l’intelligence aux données : cela ne relève plus du big data, mais d’une analyse en temps réel.

Comment le Chief Digital Officer peut-il s’imposer dans l’entreprise ?

M.C. : Selon la maturité de l’entreprise, il va d’abord accompagner les directions métiers pour y fluidifier la transformation et la communication. Puis, il va pouvoir peu à peu acquérir un rôle plus transverse lorsque les métiers vont prendre en main leur évolution vers le numérique. Il peut alors mener des projets à l’échelle de l’entreprise. À terme, la digitalisation sera intégrée à tous les métiers, toutes les fonctions : la transformation sera alors aboutie...

S.B. : … Et à ce moment, une fois la transformation digitale intégrée, le CDO a rempli sa mission et n’a plus vraiment sa place dans l’entreprise ! À l’inverse du Chief Data Officer, le Digital Officer n’est pas une fonction pérenne. Alors que la data est l’enjeu de demain pour toutes les entreprises : le Data Officer est un poste appelé à rester encore longtemps dans les entreprises. Le Baromètre révèle ainsi que pour 87 % des dirigeants, la fonction de Chief Data Officer est amenée à se généraliser, alors que seulement 13% estiment qu’il aura disparu à 5 ans.

Comment le Chief Digital Officer peut-il réussir à imposer le changement dans une entreprise, grande ou moyenne ?

S.B. : Outre le support de sa direction, il faut qu’il apporte des outils pratiques, qui vont simplifier et améliorer la relation client. Et il faut que ces outils soient bien adoptés par tout le monde.
Salesforce a accompagné de nombreuses entreprises, quelles que soient leurs tailles et leur « ancienneté ». Toutes partageaient des objectifs communs : mettre en œuvre rapidement leur transformation, accroître leur agilité et obtenir un ROI rapide. Ladurée a par exemple totalement réinventé son parcours client en misant sur l’omnicanal. Edenred a pour sa part transformé son métier grâce à la dématérialisation… Pour les personnes en charge de la transformation digitale, à chaque fois, le déploiement par phases rapides était crucial. En effet, il faut que les collaborateurs disposent rapidement des nouveaux outils et que ceux-ci soient tout de suite intégrés à leur quotidien. C’est cela qui optimise l’adoption !

M.C. : C’est vrai que sa mission ne varie pas selon la taille de l’entreprise – même si dans une ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire), elle peut être moins complexe que dans un grand groupe très décentralisé comme L’Oréal, par exemple. D’ailleurs le Chief Digital Officer s’est particulièrement imposé dans les ETI en 2016 ; il est présent dans 38 % d'entre elles, et dans 73 % des entreprises du CAC 40…
Quel que soit le contexte, il ne doit pas imposer mais faire accepter la digitalisation : l’accompagnement du changement est indispensable, tout comme le soutien de la DRH. Les belles réussites de la Française des jeux ou de l'assureur APRIL, deux structures de tailles très différentes, ont en commun une implication très forte de la direction. À l’inverse, une ETI de 120 personnes, qui avait lancé sa transformation digitale sans CDO et sans accompagnement fort, a vu 40 % de ses effectifs quitter l’entreprise : les collaborateurs ne se reconnaissaient pas dans les nouveaux process.

Qui sont les interlocuteurs du CDO ?

M.C. : En interne, toute l’entreprise ! À l’externe, il doit s’appuyer sur tout un écosystème de start-ups, des cabinets de conseil en innovation ou de grands éditeurs de plateformes comme Salesforce. Ce qui est notable avec Salesforce, c'est notamment d’avoir placé dans le cloud des applications-clés, centrées in fine sur la satisfaction du client. Cela permet aux entreprises de se réorganiser autour d’outils de collaboration pertinents, et les libère en même temps de tâches lourdes et coûteuses telles que l’administration des serveurs, l’évolution de l’infrastructure…

S.B. : En externe, il est certain que Salesforce est toujours l'allié des acteurs favorisant le numérique en entreprise. Cela peut être la direction générale dans une moyenne structure, mais le CDO est notre interlocuteur principal lorsqu’il existe. Ainsi que le Chief Data Officer, le cas échéant !


* Le baromètre « BCD2O Edition 2016 » réalisé par Novamétrie avec Criteo, Digital Jobs, Salesforce et Viseo.