L'e-commerce et les nouveaux usages des consommateurs connectés devaient signer l’arrêt de mort des magasins physiques, du « brick and mortar ». Cette prédiction du siècle dernier semble bien contrariée, pour peu que les retailers traditionnels assurent leur transformation numérique. Car sous la pression des millennials, il y a urgence !
Qu’on les appelle millennials, digital natives ou génération Y, les 19-35 ans représentent la plus grande cohorte générationnelle de l’histoire de l’humanité : 2 milliards de jeunes (27 % de la population mondiale) aux aspirations et habitudes de consommation en rupture avec leurs aînés, guidées par un usage intensif du numérique.
Leurs mentalités changent la donne : ils accordent plus facilement leur confiance aux petites marques locales qu’aux blockbusters internationaux, ils sont sensibles au prix tout en étant plus dépensiers. Pour Clarisse Magnin, Senior Partner de McKinsey, leur profil est très particulier : « Les millennials entrent dans la vie active avec un salaire plus faible que leurs aînés. Mais l’accroissement de leur richesse d’ici 2030 va être colossale. Cette population disposera au final d’un pouvoir d’achat supérieur aux baby-boomers. Or, aujourd’hui, leurs dépenses sont, déjà très importantes : rien qu’aux États-Unis, elles représentent 1 000 milliards de dollars par an. »
Ces nouveaux consommateurs doivent donc être appréhendés avec d'autant plus d’attention par les commerçants et distributeurs, que les comportements de ces digital natives influencent grandement les autres générations. Selon Arnaud Lescroart, Directeur des Opérations et de l’Omnicanal du groupe Printemps, les retailers traditionnels ont une carte à jouer s’ils parviennent à injecter la bonne dose de numérique dans leurs organisations et dans leurs offres aux clients. Car l’avenir du commerce 100 % online n’est aujourd’hui plus d’actualité : « On a longtemps mis les deux mondes, physique et digital, en opposition. Aujourd’hui on voit qu’ils sont très complémentaires. Pour répondre aux attentes et proposer aux clients une offre de service très développée, il faut associer le meilleur de ces deux mondes. C’est ce qu’on appelle le phygital. »
Pour le Printemps, c’est par exemple une prise de rendez-vous en ligne pour venir essayer un vêtement. C’est aussi la possibilité donnée au client de choisir un article sur n’importe quel canal, de se le faire livrer où il veut, quand il le veut, et de pouvoir le retourner facilement. En d’autres termes, c’est offrir une expérience client fluide, sans rupture, rapide et efficace.
Ce que confirme Sébastien Zins, Vice-Président de Salesforce en charge du Retail : « L'e-commerce représente 8 % du marché du retail en France avec une croissance de 14 % par an. C’est donc une tendance de fond. Cependant, les consommateurs continuent de rechercher le contact humain. On doit donc injecter dans le retail traditionnel un maximum d’innovations fonctionnelles et opérationnelles. Mais c’est aussi toute l’organisation qui doit s’adapter. Il faut penser l’entreprise de manière différente, devenir client-centric. »
Si le monde du retail semble aujourd’hui accuser un certain retard dans sa transformation numérique (tout comme l’administration publique et l’industrie, selon Clarisse Magnin), il possède beaucoup d’atouts pour franchir le cap : des actifs solides (entrepôts, image de marque, personnel…) et des données clients très nombreuses (cartes de fidélité, tickets de caisse). Grâce à ces datas et à son expérience de la relation client, le commerce de détail est en mesure de définir un nouveau modèle moderne et pérenne.